Double culture, double cuisine

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Partir à l’étranger signifie s’adapter à des nouveaux modes alimentaires. L’activité culinaire s’en trouve modifiée dans ses dimensions matérielles et sociales. Alors, comment réagissent les étudiants étrangers face à ces changements ?

L’accès à une alimentation nouvelle joue un rôle majeur dans la prise de décision d’un étudiant avant de partir à l’étranger. Certains étudiants introduisent dans leur patrimoine culinaire des influences de divers registres. Angelo, étudiant italien en master 2 de droit à Lyon, considère sa cuisine comme « européenne ». Toutefois, il n’hésite pas pour les occasions festives par exemple, à un retour des pratiques culinaires originelles de son pays.

Certains étudiants font même le choix d’abandonner volontairement leurs pratiques culinaires, et cela peut se traduire par le fait qu’ils s’approvisionnent uniquement dans des magasins typiquement français. Un choix raisonné par une volonté de se sociabiliser et de s’immiscer complètement dans leur pays d’accueil, précise Frédérique Giraud, docteure en sociologie, dans son article consacré aux « étudiants étrangers en séjour temporaire à Lyon » (2010).
Majoritairement, il s’agit plus pour eux de juxtaposer des pratiques issues de leur pays d’origine avec des pratiques issues de leur pays d’accueil, que de renouveler totalement leur alimentation.

Une fidélité aux traditions familiales

Alors que certains étudiants étrangers combinent entre pratiques culinaires traditionnelles et nouvelles, certains d’entre eux, sont peu enclins à la découverte de nouvelles expériences. Ils essaient de reproduire exclusivement des pratiques alimentaires de leur pays natal. Ils veulent rester fidèles à leurs origines en ayant une consommation ritualisée de symboles et de pratiques propres à leur pays d’origine. En séjour en France dans le cadre d’un partenariat entre l’École Normale Supérieure Lettres et Sciences Humaines, afin de réaliser un master 2 à l’ENS-LSH, Abdelmalik, confesse, en parlant du couscous, qu’il cuisine en pensant à sa famille : « Tu vois, c’est important pour moi, de le faire et de le réussir, aussi. C’est un peu comme si j’étais chez moi, là-bas. ».

Les étudiants en mobilité doivent faire face à de multiples difficultés. Certains plats ont disparu de leur alimentation contre leur gré : « Cette quasi-disparition est due soit à l’indisponibilité des aliments antillais ici, soit au coût trop élevé de certains aliments présents en grande surface ou dans les épiceries exotiques, soit à la qualité moindre de ces aliments. La moitié des étudiants […] ne savaient pas cuisiner en venant ici », a pu écrire Sylvia Eloidin, experte en diététique et docteur en sociologie de l’alimentation, dans sa thèse qui porte sur l’alimentation des jeunes migrants originaires des Antilles françaises, étudiants en France métropolitaine.

Ainsi, les compétences culinaires des étudiants, le prix, la rareté des produits et la confiance par rapport à la qualité d’un produit constituent un lot de problématiques liées aux pratiques alimentaires des étudiants étrangers.

« Maman au téléphone »

Concernant les étudiants étrangers séjournant temporairement à l’étranger, deux attitudes diamétralement opposées apparaissent. La première est la volonté de s’ouvrir au maximum à de nouveaux modes alimentaires, ce qui se traduit par l’incorporation dans leurs patrimoines culinaires d’aliments du pays d’accueil. La seconde attitude consiste à reproduire exclusivement des pratiques culinaires du pays d’origine. Mais, ce qui détermine la structure, le rythme et le lieu des repas, c’est le contexte global de l’étudiant. Le contexte relationnel, être seul ou en groupe. Le contexte temporel, être en période de fêtes ou non. Le contexte géographique, et la disponibilité des produits. Le contexte économique, et le prix des produits. Enfin, ils sont également définis par les habitudes de l’étudiant qui découlent de son héritage familial.

Pour pallier à ces contraintes alimentaires, certains étudiants prennent des initiatives. Par exemple, parmi eux, il y en a qui décident pour des raisons économiques de s’approvisionner avant leur départ pour la France : « Lorsque j’étais parti en Erasmus, en Allemagne, mes parents m’avaient emmené en voiture et j’avais apporté 30 kilos de pâtes. Je ne vais pas acheter les pâtes en France, c’est dix fois plus cher », raconte Angelo, étudiant italien en master 2 de droit dans un article de la revue « Hommes et migrations ».

Et, en ce qui concerne la débrouillardise des étudiants en cuisine, ils n’hésitent pas à simplifier les plats familiaux, et à appeler régulièrement leur famille pour obtenir 2 ou 3 conseils. Sylvia Eloidin, déclare que « leur apprentissage se fait avec maman au téléphone ».

Miguel Valizelos Da Eira

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