Le prisme des causes : précocité, famille, pression, intégration

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Le passage de l’enfance à l’âge adulte s’accompagne de nouvelles expériences, dont la consommation de substances addictives peut faire partie. Mais l’adolescence n’explique pas tout. Consommation précoce, déterminants familiaux, pression et envie de s’intégrer peuvent conduire à la dépendance.

Alcool, tabac, cannabis. Les générations passent mais le trio classique des consommations addictives reste. Même si des nouvelles addictions sont venues s’inscrire au tableau d’honneur comme le précise la MILDECA (mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives)  en citant   » les opiacés (héroïne, morphine), la cocaïne, les amphétamines et dérivés de synthèse. Parmi les addictions sans substance, le jeu pathologique (jeux de hasard et d’argent) est cliniquement reconnu comme une dépendance comportementale dans les classifications diagnostiques internationales ».

Une étude de l’INSERM (l’Institut national de la santé et de la recherche médicale) menée en2014 dévoile qu’environ 95% des adolescents de dix-sept ans ont déjà consommé de l’alcool, du cannabis ou du tabac.  Une part considérable en a une utilisation régulière. Si la consommation d’alcool est plus occasionnelle, elle est aussi plus excessive. En moyenne, les adolescents commettent des excès sept fois par an, contre deux fois par an pour les plus de cinquante ans.

D’après l’enquête ESCAPAD de 2014 effectué par l’OFDT (Observatoire français des drogues et des toxicomanies) sur 40 000 jeunes de 17 ans, la majorité boit de l’alcool dans un contexte festif (80%), il en est de même pour le cannabis (61%). Néanmoins, cette consommation occasionnelle, synonyme de partage et de plaisir peut vite dépasser ce cadre. C’est notamment le cas du tabac, où 33% des jeunes consommateurs se considèrent comme dépendants.

 

L’ADDICTION C’EST QUOI ?
D’un point de vue scientifique et médical, les addictions sont des pathologies cérébrales définies par une dépendance à une substance ou une activité, avec des conséquences délétères.

 Prédispositions aux addictions

Les raisons de cette dépendance ? Elles sont diverses, à commencer par l’usage précoce de ces substances, premier facteur d’une future addiction. Pas rassurant, lorsque l’on sait, d’apres  l’enquête de l’OFDT publiée en 2015,  que près de 9 adolescents de 17 ans sur 10 ont déjà bu de l’alcool (89,3 %), près de 7 sur 10 ont déjà fumé une cigarette (68,4 %) et un peu moins de 5 sur 10 ont fumé du cannabis au cours de leur vie (47,8 %).

Autre facteur de prédisposition repéré par les scientifiques, les déterminants familiaux. Les études montrent que le risque d’addiction est 2 à 3 fois plus élevé chez l’adolescent lorsqu’il existe des antécédents d’abus d’alcool dans la famille ou lorsque les parents sont fumeurs de tabac. D’une manière générale, les facteurs génétiques contribueraient de manière significative au risque de développer une dépendance. Le cerveau serait comme prédéterminé aux conduites addictives. Celui-ci joue d’ailleurs un rôle indispensable dans la dépendance, puisqu’avant 25 ans le cerveau est encore en plein développement et donc très vulnérable aux effets neurotoxiques des substances.

Gérer l’anxiété

Mais cette vulnérabilité est également psychologique. En effet, l’adolescence est souvent caractérisée par un manque de confiance en soi, un stress face à l’inconnu et une certaine solitude. Des difficultés qui peuvent être à l’origine d’une consommation excessive. Si le produit est consommé dans le but d’oublier ses problèmes et de décompresser, l’usage peut devenir régulier et donc dangereux. 31% des adolescents fument des cigarettes pour gérer une anxiété et 11% consomment du cannabis pour surmonter des difficultés familiales ou scolaires.

Le directeur de l’OFDT explique au sujet de la consommation de drogue : «(…) Si elle vise à combler un manque – absence de soutien familial, vraie difficulté d’estime de soi, etc. -, elle se rapproche presque d’un processus d’automédication très prédictif d’un glissement vers le pathologique.»

 

auteur : manfredrichter

Rite de passage

L’environnement joue aussi  un rôle clé dans la consommation. Le milieu scolaire et l’effet de groupe sont souvent à l’origine d’une première prise. C’est le cas lors de soirées festives. La fête, pour une grande partie des adolescents, est alors synonyme d’ivresse et de « défonce ». 65%  affirment d’ailleurs fumer du cannabis pour s’amuser.

Le désir de transgresser les règles et de dépasser ses limites font partie d’un enjeux beaucoup plus important qui est celui de s’affirmer. L’étude de l’INSERM assimile cette consommation à une pratique sociale. A l’adolescence, les substances addictives deviennent un « rite de passage ». Dans un tel  contexte, c’est un moyen de se démarquer tout en faisant comme les autres. Cette pratique acquiert un sens symbolique et facilite l’intégration et la création de lien social entre eux.Les jeunes sont à la recherche de sensations, de reconnaissance, ils sont dans une quête d’eux-mêmes. Une quête qui peut être abîmée par leurs conduites addictives.

Dommages parfois irréversibles

Physiques, psychologiques, sociales. L’ addiction peut avoir des conséquences sur l’organisme, des troubles cognitifs et psychiques comme des problèmes de concentration, de mémorisation ou encore une mauvaise perception de la réalité. Des difficultés qui peuvent, à terme, provoquer une déscolarisation ou une marginalisation.

Si l’usage d’alcool, de drogues et de tabac permet au départ de se sociabiliser, il peut au final conduire à l’isolement. Des études ont montré que le tabagisme est associé à des parcours scolaires plus difficiles et notamment à des abandons de scolarité plus nombreux.

Mais les effets peuvent être bien plus graves, pouvant entrainer des maladies ou encore des overdoses, parfois mortelles. L’abus d’alcool chez l’ado peut entraîner la destruction de deux à trois fois plus de neurones que dans un cerveau adulte et affecter l’apparition de nouveaux neurones.

Léa CHIMÈNE, Elsa LAVEAU, Lisa GUINOT et Amélie CLÈRE

 

Pour plus d’informations :

http://www.maad-digital.fr/en-bref/les-jeunes-et-laddiction-en-chiffres

https://www.cairn.info/revue-sociologie-2010-4-page-517.htm

 

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