«Manger équilibré ne vient qu’après»
Dans le(s) Magazine(s) : n°2 mars 2018
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Beverley Jossé est diététicienne nutritionniste spécialisée dans les troubles du comportement alimentaire en Saône et Loire. Pour elle, c’est avant tout le budget alimentation, souvent serré, qui conditionne la bonne ou mauvaise alimentation des étudiants.
Trouvez-vous des comportements récurrents dans l’alimentation des étudiants ?
Le modèle est le même pour tous, c’est-à-dire simple, rapide et abordable. J’ai eu peu d’étudiants en consultation qui prenaient le temps de réellement se faire à manger. C’est le budget et le timing qui vont conditionner l’alimentation ! Pour la plupart, il arrive que les cours prennent le dessus ou que les fins de mois soient compliquées. A cause de ça, certains peuvent sauter un repas sur deux. Mais je constate que quand il y a une problématique alimentaire plus lourde, c’est plus chez les étudiants qui vivent chez leurs parents.
Manger équilibré est-il une priorité pour les étudiants?
Avec les étudiants on est plus sur des “produits plaisir”. Je pense que le pôle diététique est secondaire, voir tertiaire ! Pour eux, la priorité c’est de s’en sortir dans les études, de dormir un minimum et manger équilibré ne vient qu’après. D’ailleurs, les patients que je côtoie le plus ce sont les ménagères, les personnes âgées, le jeune enfant et en dernier l’étudiant. Les choses sont un peu différentes qu’il s’agisse de filles ou de garçons. Chez les filles, le rapport au corps est différent, elles vont essayer de perdre un peu de poids, de rajouter « du vert » dans leur alimentation. Les garçons font peut-être plus de sport et vont s’orienter vers des programmes alimentaires protéinés, surtout les étudiants en STAPS.
Les étudiants sont-ils sujets à des troubles alimentaires ? Si oui, comment les prévenir ?
Il peut y avoir des comportements à risques. Cela m’est déjà arrivé de suivre dans ma carrière des patientes dont l’anorexie a débuté aux moment des études. Pour s’alimenter, il y a une charge financière que les étudiants ne peuvent pas toujours assumer. Ils vont sauter un, deux repas et s’apercevoir qu’en en les sautant ils perdront plus rapidement du poids. Mais il y a aussi des facteurs extérieurs comme les moqueries qui peuvent participer au déclenchement de la maladie. La campagne de communication « 5 fruits et légumes par jour » n’a à mon sens pas eu grand effet, du moins chez les étudiants. Les gens n’ont pas compris pourquoi, comment, et dans quelle quantité. Souvent, on me demande à quoi correspondent les portions. Pour moi, ces campagnes ne visent pas le public étudiant. Si il a un budget serré, avec 5 fruits et légumes par jour, au bout de 4 jours il est hors budget ! Il faudrait peut être plus d’actions concrètes. Les gens ont tendance à voir la diététique comme compliquée alors que ce n’est pas forcément le cas.
Quels conseils donneriez-vous aux étudiants avec un budget serré ?
Le meilleur conseil que je pourrais donner c’est d’anticiper leurs menus à l’avance. De se faire des fruits et des légumes surgelés ou en conserve même si au niveau qualitatif c’est pas le top, on est déjà à mi- chemin entre le pratique et l’équilibre. Éviter les plats tout prêts, faire des drives pour ceux qui ont une voiture, ça aide à gérer son budget. Ce n’est pas simple. Selon mon expérience, les étudiants sont les patients les plus compliqués à traiter à cause de l’aspect financier. C’est presque impossible d’avoir quelque chose qui soit à la fois pratique, bon et pas cher, ou alors il faut faire l’impasse sur beaucoup de choses.
Propos recueillis par Axelle Autem.