« Elle est incapable de se gérer «
Dans le(s) Magazine(s) : n°3 avril 2018
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Nadège* éducatrice spécialisée dans une MECS (maison d’enfant à caractère social) s’occupe de 13 jeunes filles entre 12 et 18 ans. Elle témoigne à propos d’Eva, une jeune fille dont elle gère au quotidien la dépendance aux écrans.
Eva* utilise et désire avoir tout ce qui est possible comme écran. La plus terrible punition pour elle est de supprimer tablette, portable, télévision ou console, tout ce dont elle se sert pour se distraire. Son comportement est calqué pour l’éviter. Il ne s’agit pas pour elle de bien travailler à l’école, elle se contrôle en classe pour ne pas être punie.
Eva est incapable de se gérer alors nous le faisons à sa place. La nuit elle n’a ni portable ni carte sim. Si elle avait son téléphone comme les autres, elle s’en servirait toute la nuit et dormirait le lendemain à l’école. Elle a sa carte sim de manière très limitée pour éviter les réseaux sociaux. Quand elle fait une activité extérieure ou une visite, elle peut l’avoir pour prendre des photos mais nous la prévenons qu’elle ne doit pas rester le nez dans son téléphone. Tant que nous pouvons contrôler il n’y a pas de soucis. Entre les temps de loisirs, nous gardons tout.
Même si elle ne demande pas d’aide, je lui amène des livres le soir. Elle a beaucoup de mal à s’endormir. Je pense qu’elle est tellement devant un écran que cela influence son sommeil. Parfois j’essaie de lui proposer des activités « écran-free » : des dessins zen, des jeux de sociétés, des activités extérieures.
Le modèle parental est important dans l’addiction. Eva ne rentre pas chez elle, elle n’a que des visites surveillées parce que sa mère se comporte plus comme une copine et que son père la dévalorise. Elle craint énormément son père, ses actes, ses paroles. Sa mère téléphone régulièrement pour se mettre au courant. Ses parents établissent aussi des punitions liés à son addiction aux écrans.
Propos recueillis par Lucie Grodet, Krystyna Kononenko, Antoine Lefevbre, Nicolas Gonin.