Donnez un poisson à un homme…
Dans le(s) Magazine(s) : N°10 juin 2021
Mots-clefs : beatles, poisson frit, restauration
Rencontre à Liverpool avec Nadia et Johnny, propriétaires de l’un des fameux restaurants anglais fish and chips. Bold Street, au centre de Liverpool, il est 4:30pm. Les livreurs de Deliveroo et UberEat se font une course effrénée pour emporter les livraisons aux Anglais re-confinés depuis le début du mois de janvier. Dans la rue vide, …
Rencontre à Liverpool avec Nadia et Johnny, propriétaires de l’un des fameux restaurants anglais fish and chips.
Bold Street, au centre de Liverpool, il est 4:30pm. Les livreurs de Deliveroo et UberEat se font une course effrénée pour emporter les livraisons aux Anglais re-confinés depuis le début du mois de janvier. Dans la rue vide, les restaurants continuent de semer d’agréables odeurs de nourriture malgré leurs faibles lumières fatiguées.
Chez Johnny’s fish and chips, les portes sont ouvertes mais la salle de réception est vide. Les Beatles en fond sonore dans la cuisine, Johnny m’accueille avec le sourire et sans masque. « How are you doing darling ? », pas de doute je suis bien arrivée chez un vrai Scouse [habitant de Liverpool]. Lui et sa femme Nadia ont ouvert ce restaurant en 2016. Ils se préparent à accueillir les premiers livreurs. Lui a les yeux rieurs tandis qu’il se dépêche de finir ses frites. Elle, plus petite, le visage chaleureux, sort de la cuisine avec le célèbre plat, laissant au passage s’échapper un doux parfum de friture.
A ma question sur la popularité du fish and chips auprès de la nouvelle génération, Johnny roule des yeux : « les jeunes, entre les kebabs et les MacDo, ils se perdent un peu ! » Nadia explique que Bold Street était une rue pleine de boutiques en 2016 et qu’ils furent les premiers à s’installer. Maintenant elle regorge de restaurants et, des fish and chips, il y en a partout. La compétition est rude, mais il n’est pas inquiet car, comme l’affirme Johnny en toute objectivité, « we are the best » !
Pour attirer les étudiants, ils proposent un « deal chicken chips » à moitié prix et ont opté pour trois différentes plateformes de livraison accessibles via internet. Mais leurs vraies forces, c’est la clientèle fidèle qui vient prendre une beer, un fish and chips ou une pie chez eux. Nadia précise : « Ce ne sont plus seulement des clients, c’est la famille. » Et ils ont en bien besoin dans la situation actuelle. De cinq employés à temps plein, ils sont passés à trois en temps partiel. Les horaires ont changé également. Avant, avec les jeunes rentrant des pubs ou des clubs, ils finissaient à trois heures du matin en week-end. Aujourd’hui, à 21h30, la boutique est fermée et dans la journée « c’est beaucoup trop calme » m’explique Johnny. Des petites journées pour les deux restaurateurs, très peu de clients et un sentiment d’impuissance. Bientôt un an qu’ils s’adaptent à tous les décisions gouvernementales et aux mesures sanitaires mises en oeuvre, en changeant leurs horaires et en baissant leur demande de matières premières. Pour le couple, cela commence à être dur financièrement et moralement. Mais leur client habituel, James, les rassure en quittant le restaurant la bouche luisante d’huile et une bière à la main : « Don’t worry, Johnny, after the rain always comes the sun ! »
Juliette Roussel