Restauration, donner de la voix et se réinventer…
Dans le(s) Magazine(s) : N°10 juin 2021
Mots-clefs : Dijon, marché, restauration
Samedi, 10h, rue des Godrans. Antoine et son équipe terminent leur mise en place. Au programme de cette journée, pas de plats chauds à envoyer, pas de plan de table à apprivoiser, ni d’addition à encaisser, simplement de la voix à donner. Ouvert depuis deux ans et demi par deux copains, le restaurant bio et …
Samedi, 10h, rue des Godrans. Antoine et son équipe terminent leur mise en place. Au programme de cette journée, pas de plats chauds à envoyer, pas de plan de table à apprivoiser, ni d’addition à encaisser, simplement de la voix à donner. Ouvert depuis deux ans et demi par deux copains, le restaurant bio et local La Menuiserie a profité de sa proximité immédiate avec Les Halles du marché de Dijon pour revoir sa formule depuis la crise de la covid-19. « Dès le premier confinement, on a commencé à vendre des plats à emporter et nos produits sur le marché. C’était ça où la clé sous la porte et il faut avouer que le pari est plutôt réussi ! » s’exclame-t-il.
Ce matin là, un grand soleil inonde les rues, éclaire les étales et illumine les visages des badauds. Du monde, du bruit, de la vie : le marché s’apparente désormais à une parenthèse hors du temps, une sorte de bouffée d’oxygène dans le quotidien si morne de l’ère post-covid. Les traditionnels cafés en terrasse avec le journal du jour en main semblent bien loin. Pour Antoine aussi le changement est significatif ; initialement chef de salle et tenancier, il se retrouve aujourd’hui vendeur sur un stand. « Les marchés c’est mon univers depuis tout jeune, c’est une forme d’héritage familial qui m’a donné le goût de la cuisine bien faite donc j’ai tout de suite été à l’aise » confie le jeune trentenaire.
Au menu ce jour, deux plats à emporter dans des boxs en verre consignées 8€ : du cochon braisé au cidre et bière au miel accompagné de son céleri fumé au genévrier, ou un filet de bar snacké à l’huile vierge et son hivernale de pickles de légumes. Des falafels à la libanaise au houmous maison, les autres propositions du jour ne semblent pas non plus laisser les passants indifférents. « Venez goûter notre pâté en croûte maison et nos gougères poivre comté ! », Antoine donne de la voix au milieu du tumulte passager ambiant. Il est 11 heures.
Grâce à une communication digitale aboutie, les réservations s’enchaînent par téléphone. Le système de consigne est atypique mais semble fonctionner et la plupart des clients qui viennent chercher leur plat du jour rendent en même temps leur box en verre de la semaine précédente. « Aujourd’hui, il nous paraissait inconcevable de participer au modèle moribond de l’emballage à usage unique ! »
Peu à peu, les stocks s’épuisent, les frigos en verre se vident et Antoine est obligé de rayer sur la carte les produits épuisés. 12 heures 30. Ça et là, les commerçants remballent les étales. Du côté de La Menuiserie, la cadence de travail diminue. C’est le moment que choisissent quelques habitués et amis pour passer dire bonjour. Ils en profitent pour acheter une bouteille de blanc et la partager avec l’équipe du restaurant. « Santé ! » s’écrit l’un d’eux en levant son verre, « on en oublierait presque cette foutue pandémie ! ». Les derniers clients viennent retirer leur commandes. Antoine se livre : « Tu vois, c’est ça le bonheur, réussir à continuer de vivre, même quand tout semble mort ! »
Léo Thiery