« Permettre à tous de réfléchir »

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Hanicka Andres, photographe, est la créatrice de l’exposition « L’amour pour tous », réalisée en collaboration avec la Maison d’accueil spécialisée Les Archipels de Messigny-et-Ventoux. L’événement s’interroge sur la vie affective et sexuelle des jeunes résidents en situation de  » grande dépendance ». L’artiste ouvre le débat sur des questions encore tabous en France par un travail qui prône la voie du corps.

Comment appréhendez-vous le handicap dans votre travail ?

Je suis actuellement photographe et j’ai été pendant de nombreuses années metteuse en scène pour la compagnie de théâtre Entr’Actes qui vise à lutter contre les discriminations. J’ai travaillé avec des populations dites fragilisées : handicapés, femmes de quartiers, élèves de CLISS, de SEGPA. Depuis, en collaboration avec une structure culturelle, nous avons monté le festival  » La main dans le chapeau « . Il tient son nom de la traduction littérale de Handicap en anglais et vise à le mettre en lumière dans ses aspects les plus lourds en terme de pathologies. Aujourd’hui, je suis reconnue pour mes actions en faveur du handicap et on me contacte pour des projets photographiques. Dans le cadre de mon travail, j’ai ouvert des ateliers avec des structures accueillants des personnes déficientes intellectuelles et présentant de nombreuses formes de handicap physique. Avec ce public je ne peux que me « laisser faire », rester à l’écoute, me rendre plus disponible que jamais, contrairement à un shooting organisé avec un modèle.

Comment s’est effectué le choix des lieux de shooting ?

J’ai souhaité photographier les personnes volontaires dans des lieux non médicalisés – hôtel, piscine, mairie, église, bibliothèque – qu’elles ne fréquentent pas habituellement. Ce sont des lieux qui dictent les conduites relatives à notre vie affective et sexuelle. Ils leur ont permis de se débarrasser de leur appareillage, de leur fauteuil, pour que leur corps soit libéré et s’exprime autrement. En fait les lieux de shooting, je les ai réfléchis en fonction de la thématique. Par exemple l’église, parce qu’elle est intimement liée à la morale autour de la sexualité et à plus forte raison pour des personnes handicapées. La mairie, lieu du mariage, donc de la vie affective et sexuelle. La piscine, lieu symbolique où l’on côtoie  » l’autre presque nu « , lieu de sensualité du corps dans l’eau, de sa liberté.

Quel souvenir en gardez-vous ?

Celui de moments difficiles, car pour chacun d’eux il y a une prise de risque à sortir de son cadre référent. Mais la plupart sont tellement joyeux ! A la mairie par exemple, nous avons installé un futur époux au bout de la table, un bouquet de roses dans les mains, son regard ne quittait pas la future mariée, couchée sur la table au milieu des convives et du Maire. Nous ne pouvons imaginer quel effort monumental représente le fait d’adopter, pour chacun d’eux, une posture inhabituelle. Et pourtant, que de joie de sentir soudain son corps libéré… La mariée répétait en boucle qu’elle était la plus belle.

Qu’est-ce que cette expérience vous a apporté ?

J’ai envie de donner du sens à mon travail. Quels espaces pouvons-nous proposer aux personnes handicapées ? Quels sont les moyens disponibles, à offrir ou à créer ? Quelle éducation sexuelle ? En fait, ce projet photographique doit permettre  à tous de réfléchir, de cerner la place et le sens du corps dans la sexualité des personnes polyhandicapées, et notamment de s’interroger sur les représentations, sur les notions d’affectivité, de sexualité pour leur donner du sens.

Lire aussi sur son blog l’article de Hanika Andres sur ce travail.

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