« L’art, plus qu’une évasion : c’est un voyage »

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François Ribac, compositeur professionnel et enseignant chercheur à l’université de Bourgogne, redéfini la culture et nous explique comment elle contribue à l’évasion des étudiants.

En tant que spécialiste, pouvez-vous définir la culture ?

« Dans notre monde occidental, depuis le 16ème siècle, la culture signifie ce qui est opposé à la nature, ce qui rend l’humain différent de tout le reste. Mais le terme culture définit aussi toutes les choses par lesquelles l’humain accède au monde : le langage par exemple.
Le terme culture, comme équivalence à l’art, comme forme subventionnée de l’art, est une définition très française.

Le sociologue Goffmann dans « La mise en scène de la vie quotidienne » met en relation la culture et l’art comme moyens d’accéder au monde : il explique que les interactions sociales sont régies comme au théâtre : nous procédons à des jeux de rôles, nous portons des masques, dans le but de vivre ensemble et d’éviter les conflits. Le théâtre serait une métaphore de la société et nous vivrions dans un cadre proprement culturel. Ainsi l’art et la culture sont intimement liés.»

Pensez-vous que la culture est un moyen de s’évader ?

« Je ne sais pas si l’on peut dire que la culture, au sens de l’art, est un moyen de s’évader. Du moins je n’utiliserais pas ce terme dans le sens où l’on s’évade de prison, mais ce qui est certain c’est que l’art permet de nous transporter ailleurs. Ce serait plutôt un voyage qu’une évasion.
Il ne faut pas voir cela comme une valeur : la culture n’a pas la valeur de nous transporter, c’est par son usage que nous le sommes. Nous avons un usage actif de la culture. Par exemple, quand nous assistons à une pièce de théâtre nous disons souvent « cette pièce m’a transporté(e) », c’est-à-dire que pendant un laps de temps elle nous a emmenés ailleurs. Cet usage est quelque chose que l’on fait très naturellement : nous écoutons d’abord une musique de manière passive, dans la voiture, en faisant du sport etc. et à force de l’écouter nous captons quelque chose qui nous plaît, que l’on associe, comme si l’art était actif et qu’il agissait sur nous. Parfois nous disons « ça m’a rien fait » comme si la chose avait sa propre activité. Nous sommes pris, transportés, contre notre volonté. C’est différent de l’évasion qui est un acte volontaire.
Mais cette évasion passe aussi par l’association que nous faisons de cette chose avec nos propres expériences. Nous associons l’écoute et nous sommes transportés à un autre endroit. Cette évasion ne vient pas seulement avec la pratique même, il y a autre chose. Cela passe aussi par le goût : en général nous disons préférer ce qui est proche de nous, pourtant c’est lorsque nous écoutons ou voyons quelque chose que l’on ne connaît pas que l’on se dit « Je ne connais pas ce type de voyage ! » c’est ça qui nous plaît et qui nous fascine dans l’art. »

Pensez-vous que les étudiants s’évadent grâce à l’art? Comment procèdent-ils ?

« Bien sûr, les étudiants s’évadent par l’art, je ne suis pas en mesure de dire comment, mais grâce aux nouvelles technologies et à l’arrivée du web, la culture est beaucoup plus accessible, notamment aux étudiants. C’est nécessaire car pour se construire, la jeunesse a besoin de partage et cela passe essentiellement par des objets culturels : on discute de nos goûts musicaux, de ce que l’on a vu au cinéma, de ce que l’on en a pensé. Cette construction pour arriver à l’âge adulte est essentielle. On retrouve ici la connivence entre art et culture : c’est un langage, un échange entre les mondes. Et c’est par cet échange que l’on s’évade culturellement, que l’on découvre de nouveaux mondes, de nouveaux voyages. »

Photographie provenant d’une vidéo de l’IRCAM produite lors d’une conférence donnée le 15 novembre 2017.

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