« Ce voyage représente de nouveaux défis pour moi »

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Shas Alkasim, étudiant de 29 ans originaire d’Homs en Syrie, a quitté son pays pour rejoindre la France et préparer un diplôme universitaire en français langue étrangère. Au terme d’un long voyage à travers l’Europe et l’Asie de l’Ouest, il est arrivé en France en 2017, avec l’espoir de se construire une vie.

“Je n’ai pas décidé de partir de Syrie, je l’ai fait parce que je ne voulais pas faire l’armée. Je suis sorti du pays grâce à des passeurs, qui prennent en charge les habitants aux frontières du pays. On les paie et ils nous emmènent.

En quittant la Syrie, en 2013, je ne suis pas allé directement en France. Ma première destination a été la Turquie. J’y suis allé en voiture et j’ai vécu 3 ans là-bas. Ma mère, mon frère et mes sœurs y sont restés. Je me suis rendu ensuite en Allemagne où mon père vit. J’ai fini par aller en Grèce où je suis resté un an et demi. Je n’ai jamais choisi ma destination. Mon voyage s’est terminé en France, fin 2017, et cette fois, j’ai décidé de venir à Dijon.
Fuir la Syrie a été un moyen de m’évader de ma réalité. Quand je suis parti, le conflit avait déjà commencé. Une guerre pour la justice et pour l’égalité. Il y a énormément de racisme là-bas entre les religions.
Quand je suis arrivé ici, je ne savais pas du tout ce que je voulais faire. Je ne parlais pas français, juste l’anglais, ma langue maternelle, et le turc. Je me suis inscrit à la fac pour obtenir un diplôme en français langue étrangère. En Syrie, j’étais à la fin de ma deuxième année en droit international. Mais en venant en France, j’avais ce besoin de changement, d’indépendance et de faire ce que j’ai toujours rêvé de faire, en partie grâce à mon grand-père, l’archéologie.
Ce voyage représente de nouveaux défis pour moi, différents mais difficiles aussi. C’était vraiment éprouvant de rester un mois entre la Grèce et la Macédoine, tout seul, car la solitude me faisait peur. Avant, j’étais avec ma famille, tout était simple : je ne pensais pas aux démarches administratives, je ne pensais pas au travail, je ne pensais pas à mettre de l’argent de côté, je ne payais pas le loyer.
Maintenant c’est à moi de tout gérer puisque je suis seul.
Je n’ai pas été dépaysé, je trouve que la culture de ma ville n’est pas vraiment différente de la France. Par contre, chez moi, on ne mange pas de fromage, ici on en consomme beaucoup, je trouve ça bizarre d’ailleurs. Les aliments sont pratiquement tous identiques, sauf que lors d’un repas, en Syrie, on met toute la nourriture sur la table, il n’y a pas d’ordre pour manger.
En France, je discute avec tout le monde, mais les Français je ne sais pas, j’ai l’impression qu’ils ont peur des étrangers, qu’ils sont méfiants et qu’ils nous associent au terrorisme. Lorsque tu leur dis que tu viens de Syrie et que tu ne parles pas français, les gens font beaucoup d’amalgames.
Quand j’ai quitté mon pays, je suis parti sans valise, sans affaire, sans repère. J’ai tout laissé derrière moi. Ma famille me manque beaucoup. Je ne retournerai pas vivre en Syrie pour y vivre, mais peut-être que mon futur travail sera l’occasion de m’y rendre pour reconstruire le patrimoine. Je veux vivre en France, le plus longtemps possible. Ça a été primordial pour moi de partir, on ne peut pas construire une vie là-bas, il n’y a pas de liberté. La liberté c’est la chose la plus importante.”

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