La grande évasion
Dans le(s) Magazine(s) : n°8 juin 2019
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Cultiver sa jeunesse L’inconscient collectif tend à penser que la culture est un médium incitant l’évasion. Sur les planches ou devant l’écran, les étudiants délaissent les révisions pour s’échapper de leur quotidien. Quand les sciences rencontrent la culture Elle jouait du piano debout… Dans les starting-blocks Aujourd’hui, en France, près de 90% des étudiants exercent …
« Me voilà dans le grand Nord » lâche-t-elle en riant, après s’être assise à la table du bar. Elise aime taquiner la Bourgogne qu’elle a choisi de quitter il y a trois ans pour ses études. C’est sous la chaleur marseillaise qu’elle obtiendra sa licence de droit et administration publique fin mai. Avant de se spécialiser en master de droit international pour « voir ce que le théorique donne sur le terrain », elle a choisi de faire une pause.
« Je n’en peux plus des cours » confie-t-elle. Bien qu’elle s’épanouisse dans ce qu’elle fait, elle ajoute : « Rester trois ans dans la même ville, enfermé dans ses études, c’est long ». L’étudiante ressent aujourd’hui le besoin de « voir autre chose ». Le moyen trouvé ? Partir trois mois aux Etats-Unis dans un ranch, à cinq heures de New York. Elle y sera nourrie, logée, blanchie en échange de son aide pour nourrir les animaux et guider les touristes lors d’activités équestres. Le séjour idéal pour cette mordue de chevaux et cavalière confirmée.
Elise a commencé l’équitation à l’âge de trois ans. En 2015, elle passe son galop 7, dernier échelon de la discipline, et participe aux championnats de France. « J’adore la compétition » lance-t-elle sur un ton enjoué. En tant que passionnée, elle s’est promis de monter à cheval dans chacun des pays où elle se rend. Ce petit bout de femme n’en est pas à son premier voyage. « Mon cadeau d’anniversaire pour mes cinq ans : une valise », dit-elle le sourire aux lèvres. Selon elle, nul besoin d’avoir des parents diplomates pour dépasser les frontières françaises : « Ma famille ne voyage pas, mes parents sont très casaniers ». Elle insiste en replaçant ses lunettes sur son nez : « il est possible de quitter son quotidien le temps d’un voyage, pas forcément loin et sans dépenser une fortune, simplement en discutant avec les gens qui nous entourent ».
En abordant la question de l’appréhension trois mois avant le grand départ, Elise semble sereine. La cavalière s’engage dans un milieu qu’elle connait bien et demeure très enthousiaste à l’idée de découvrir de nouvelles personnes et cultures. Le son de sa voix laisse entendre qu’elle est impatiente de se trouver en complète immersion durant tout l’été. Au terme de son séjour équestre, elle rentrera un mois en France pour effectuer un stage en droit et prévoit ensuite de partir en mission humanitaire. Son souhait pour cette seconde aventure est de donner de son temps aux autres car elle se dit chanceuse de la vie qu’elle a aujourd’hui. « Je suis légèrement hypersensible » chuchote-t-elle en entortillant ses cheveux châtains autour de ses doigts.
Si Elise apparaît sûre d’elle et déterminée, prendre une année sabbatique en France n’est pourtant pas chose facile. Une telle pause au cours de ses études est souvent jugée comme « une année à ne rien faire » soupire-t-elle. Elle explique avoir dû se débrouiller seule. « Je suis allée voir ma scolarité avec mon projet car il y a une procédure à suivre pour conserver son statut étudiant. Il y a eu un long moment de flottement, j’ai bien senti que la personne en face de moi ne savait pas du tout de quoi je parlais » raconte-t-elle. Un sentiment déjà ressenti puisqu’Elise a été contrainte de mentir à certains membres de sa famille en affirmant partir une année en Erasmus. Ils se seraient trop inquiétés si notre aventurière leur avait avoué avoir tracé sa route hors des sentiers battus.