Dans le quotidien d’une étudiante chinoise en France

Dans le(s) Magazine(s) :
Mots-clefs : , , ,

Siyi, étudiante chinoise de 21 ans, vit une année d’échange à l’Université de Bourgogne. Entre la période d’intégration et la difficulté de suivre les cours en français, comment s’en sort-elle ? Zoom sur une journée type, quatre mois après son arrivée.

Siyi, penchée sur des livres de la bibliothèque universitaire du campus de Dijon

Depuis 8h30 ce matin, Siyi parcourt les rayons de la bibliothèque de Lettres de l’Université de Bourgogne, où certains ouvrages prennent la poussière. Assise à l’extrémité d’une bien trop grande table pour elle seule, elle se plonge dans la lecture d’un mémoire qui l’aidera à rédiger l’introduction du sien. Le sujet : l’analyse du personnage féminin dans l’œuvre de Balzac. Ses yeux s’attardent sur certains mots. Son téléphone n’est jamais loin. Il lui sert de dictionnaire. Souvent. Ses sourcils se froncent à la lecture d’une définition tout en caressant le papier épais du mémoire.

Elle n’a même pas pris le temps d’enlever son manteau, qu’elle gardera d’ailleurs toute la journée sur elle. Il faut dire que la grande salle reste légèrement fraîche bien que très lumineuse. Ses grandes vitres laissent passer les rayons du soleil. Il y a peu d’étudiants à cette heure matinale. Une jeune femme s’est endormie sur sa table mais Siyi ne l’a pas remarquée. Trop concentrée sur le mémoire et la prise de notes dans son cahier. Elle l’a ouvert par la fin. Elle tient la mine de son stylo de très près, ce qui aurait pu être la cause de ses petites tâches sur les doigts qui sont en fait les témoins d’engelures lorsqu’elle était petite.

Elle soupire, se redresse avec un petit sourire de côté. « C’est difficile de commencer. C’est la première fois que j’écris un mémoire en Français » avoue-t-elle sans accent. Siyi est en troisième année de licence. Elle apprend cette langue depuis son entrée à l’Université de Chongqing. Ce n’était pas son premier choix. Elle voulait entrer dans une école pour devenir productrice d’émission en Chine, mais elle n’a pas réussi l’examen. Le Français, c’était un plan B pour elle. « Le contact avec les Français m’a permis de retrouver une certaine passion que j’avais perdue et de réfléchir plus sérieusement à ce que je ferai après cette année. »

Aujourd’hui, elle n’a qu’un cours d‘Histoire de la Littérature et Culture Française de 12h à 14h, proposé depuis six ans par l’université de Bourgogne aux étudiants internationaux. « J’essaye de leur faire acquérir un niveau lycée », explique Chantal Bonnot, leur professeur agrégée de Lettres Modernes. « Le semestre précédent, nous avons eu 89 % de taux de réussite. »
Dans la salle, un brouhaha dans toutes les langues. Dépaysement total. Alors que la professeure questionne d’une voix dynamique et rassurante, seules 5 personnes prennent la parole sur un total de 25.
Siyi fait la moue, le front plissé. Elle essaye de suivre tant bien que mal. Son cahier est parsemé de zones blanches. « C’est difficile, elle parle très vite. Lorsqu’elle le dit, je comprends mais lorsque je dois l’écrire, j’ai déjà oublié. » Elle note le vocabulaire écrit au tableau. « Je retravaillerai ça tranquillement chez moi.

 

Après les cours, retour à la vie quotidienne :

Fin du cours. C’est l’heure de déjeuner. Siyi retourne dans sa chambre avec une amie malaisienne, Tina, dont les grands parents sont chinois.

 

Siyi et son amie Tina préparent le déjeuner tout en plaisantant sur la quantité de pâtes qu’il reste dans la casserole. (photo de Marie Verpillot)

 

Les chambres universitaires sont individuelles, petites. Un coin cuisine permet aux étudiants de se faire à manger. Le crépitement de l’œuf dans la poêle fait écho au grondement des estomacs. En chinois, elles plaisantent : elles ont fait trop de pâtes. Les sauces chinoises, qu’elles trouvent à l’«Épicerie du Bonheur » à Dijon, donnent au plat une jolie couleur rouge, souvent annonciatrice de saveurs. Les lèvres deviennent rouges, la langue pique et la bouche chauffe. Les graines de chili croquent, comme les claquements des baguettes, sous les dents. Les rires éclatent. La discussion est au voyage, mixant le français et le chinois.

A la fin du repas, la cuisine se transforme en bureau provisoire. Assises face à face, elles sont penchées sur leur ordinateur. Celui de Siyi est tremblant. Il l’accompagne depuis 10 ans. Elles préparent leur futur voyage et cherchent à alléger leurs dépenses. Tous les frais de cette année à l’étranger sont pris en charge par leurs parents qui leur versent régulièrement de l’argent sur leur compte.

Toutes les difficultés de la journée s’effaceront ce soir pendant une soirée autour de jeux de société avec d’autres étudiants japonais et coréens. Les visages détendus, le sourire aux oreilles, le français est la langue que tout le monde utilise ce soir. Siyi est satisfaite. Comme elle l’espérait, cette année d’échange lui aura apporté du changement, de l’expérience et du partage !

Aller à la barre d’outils